Et rien d'autre- James Salter- All that is...

Première impression

A la lecture du livre, très vite l'écriture m'a fait penser à Bukowski.

Un Charles Bukowski "soft", qui aurait arrêté de boire, fumer et draguer à outrance; un Bukowski subitement "cool" qui se serait fait appelé Bowman et qui relaterait ses faits et gestes quotidiens, vie de mondanité, de tape à l'oeil.

Bref, une vie sans grand intérêt, sans grand projet, sans idéal, sans valeur...

Ah si, il récite les pensées qui lui passent par l'esprit, aucune analyse, aucune réflexion; le texte revient alors à une sorte de méditation...

P139+140= relation simple de sa vie privée, jamais il ne rentre dans le détail de sa vie professionnelle.

P151= lors d'une rupture sentimentale: le sentiment de colère est décrit dans son aspect extérieur (pas d'analyse), donne l'impression d'individualisme forcené, aliéné de lui-même et des autres, à la limite de la schizophènie...

Quelques références directes à Bukowski

P185=

[[ l'un  d'eux en train de pisser contre un mur. Il brandit sa queue dans leur direction, dans celle d'Enid en tout cas.

"Sympa, dit Bowman. De braves gars bien anglais, n'est-ce pas?

- Indubitablement, répondit Enid ]]

P214=

[[ Lors d'un blanc dans la conversation, un réalisateur américain, devant tout le monde et à brûle-pourpoint, lui demanda:

"Alors dis-moi, Enid, est-ce que tu baises?

- J'aurai bien tort de m'en priver", dit-elle froidement, d'une façon qui semblait exclure le goujat des possibilités.]]

C'est tout, pas d'autres descriptions "hard" en 365 pages de livre... Tiens! autant que de nombre de jours dans l'année.

Bref, l'auteur lui-même revendique ces incisions et fait référence à Thornton Wilder (et non Bukowski) P178.

L'époque

Dès le début je ressens le récit à l'époque actuelle, à aucun moment je ne date le livre quand, soudain,

P167= nous sommes à Dallas lors de l'assassinat du président Kennedy.

P175=nous sommes en 1969.

P179= C'est la guerre au Vietnam.

Le récit suit donc une datation chronologique de l'adolescence de l'auteur 22 novembre 1963 à Dallas, en passant par la guerre au Vietnam (1965 engagement des Etats-Unis-30avril 1975), jusqu'à nos jours.

Comment rentre-t-on dans dans le roman?

Pourquoi donc rentre-t-on dans ce roman et continuons une lecture au fond très banale?

Parce que nous sommes dans notre élément, nous sommes chez nous, c'est presque notre histoire, notre vie, notre quotidien, notre banalité...

à condition, toutefois, d'avoir des références littéraires et culturelles!!

Le récit est émaillé de multiples noms propres de personnages et de lieux: William Blake, Dante, Garcia Lorca, Thornton Wilder, Cavafy, Keynes, Auden, Edna millay, Adirondacks, Piermont, Manhattan, Harvard,  New York, Bologne, Londres, Madrid, Paris, Venise, Bombay, Stanley Ketchel, Kenneth Wells, John Marquand, Louis Bromfield,  W.H. Auden, Malcolm Pearson, Stanford White (architecte célèbre, époux de "Florodora" célèbre danseuse à Bordway), et...

Lyman Frank Baum 1856-1919- Ecrivain, acteur, réalisateur qui a écrit "le magicien d'Oz" est-il le Baum, héros du livre et patron de Bowman?

Bref, un style d'écriture particulier, aux phases brèves, courtes, aux mots percutants, saute d'un sujet à l'autre, presque comme une conversation à bâtons rompus avec le lecteur qui devient le copain, le camarade, l'ami, le confident, le partenaire, l'auteur... Et hop! on est fasciné, hypnotisé.

Et là comme par magie il nous propose la photo du tableau "l'origine du monde" P194.

En résumé,

Le livre raconte l'évolution vers la mâturité masculine, c'est l'histoire d'un homme qui passe de l'adolescence (18 ans) à l'âge mûr. Un roman sur la vie et le viellissement d'un homme (sexe masculin).

P361= [[Il se savait trop vieux pour se marier et ne voulait pas de ces compromis sentimentaux de l'âge mûr. Il avait trop d'expérience pour cela]].

Quelques passages du livre "balancent des idées reçues" sur: les femmes P180, les juifs P304, les "gays" P359, la guerre, Venise...

L'auteur est aussi un  inventeur de superstition  (P275) qui nous entraîne dans sa vie, un magicien qui nous fait croire que la vie est facile, simple et belle...

C'est dans l'air du temps.